Mario Prassinos est né en 1916 à Constantinople dans une famille grecque installée depuis des générations en Turquie. Son père Lysandre, est professeur de français au lycée français de Péra, quartier cosmopolite de Constantinople où habite la famille Prassinos. Lysandre Prassinos est aussi rédacteur en chef d’une revue littéraire Logos (La parole). La mère de Mario, Victorine Massimo, d’origine italienne, a deux sœurs. Leur mère Anastasie sera la compagne de Charles-PRÉTEXTAT Leconte, inspirateur de nombreux tableaux à venir. Gisèle, la sœur de Mario, naît en 1920. La famille Prassinos quitte la Turquie en 1922 peu après la victoire de Mustapha Kemal. De cet éloignement brutal de son pays d’origine surgiront plus tard Les paysages turcs, les Alpilles aussi où se retrouve la calligraphie arabe vue dans son enfance à Sainte Sophie et sur les monnaies turques.
La famille s’installe à Nanterre et y reste jusqu’à la mort de Lysandre en 1936. Lysandre Prassinos est le personnage central de la vie de Mario et Gisèle. C’est grâce à son soutien qu’ils vont développer leurs dons artistiques et leur imagination créatrice. En 1927 Victorine meurt. Mario entre au lycée Condorcet à Paris. Il se lie d’amitié avec André Bay, beau-fils de Jacques Chardonne, le directeur des éditions Stock, pour lesquelles il illustrera de nombreux ouvrages. C’est dans leur maison de La-Frette-sur-Seine qu’il rencontre Henri Parisot, jeune éditeur proche des surréalistes qui va devenir son agent artistique et littéraire ainsi que celui de sa sœur.
De 1934 à 1939 Mario et Gisèle vivent l’expérience surréaliste et le premier texte de Gisèle La sauterelle arthritique est publiée par l’éditeur Guy Levis Mano (G.L.M.). Mario commence des études de lettres en 1934 à la Sorbonne puis il s’inscrit en grec moderne à l’École des Langues Orientales. En 1936 il décide de se consacrer à la peinture. En 1938 il fait sa première exposition personnelle à la galerie Billiet-Vorms à Paris.
Après la mort de Lysandre la famille Prassinos quitte Nanterre et s’installe à Paris, rue Bérite. Le poète Max Jacob qui habite une rue proche les soutiendra durant cette épreuve. Mario illustrera cette même année Chemin de croix infernal de Max Jacob édité par G.L.M. En 1938 Mario se marie et s’installe rue Daguerre à Paris. En 1939 il intègre Le Régiment de Marche des Engagés Volontaires Étrangers à Barcarès. Il est grièvement blessé en 1940 et démobilisé. Peu après son retour à Paris le couple quitte la rue Daguerre et s’installe au 18 villa Seurat, une impasse du 14ème arrondissement où ont résidé de nombreux artistes jusqu’à nos jours.
En 1937, Mario s’initie à la gravure. De cette date à 1985 il réalise une centaine de gravures et une trentaine de sérigraphies ainsi que les illustrations gravées de 23 ouvrages. Pour les éditions Gallimard il réalise 205 reliures pour la fameuse collection des cartonnés Bonet-Prassinos. Dans cette maison il se lie avec de nombreux écrivains dont Raymond Queneau pour lequel en 1946 il illustrera de gravures L’instant fatal.
En 1946, il rencontre Boris Vian avec lequel deux projets avortés, un ballet et un film, n’entameront pas l’amitié jusqu’à la mort précoce de Boris en 1959. Naissance de sa fille Catherine.
Au 20 villa Seurat habite le peintre Alberto Magnelli avec lequel Mario, qui est son cadet de 28 ans, développera une grande amitié et dont il subira l’influence de 1947 à 1949, date de sa naturalisation française. C’est en 1947 que Jean Vilar, qui essaye de créer un festival de théâtre à Avignon, lui propose de faire les décors et les costumes de Tobie et Sara de Paul Claudel. Il fera aussi en 1954 pour le TNP la scénographie de Macbeth de William Shakespeare et en 1960 celle de Erik XIV d’August Strindberg.
En 1948 il intègre La galerie de France où il exposera régulièrement jusqu’en 1976.
En 1949, il expose ses gravures à la librairie-galerie La Hune, puis en 1953 au même endroit ses gravures récentes pour The Raven d’E.A.Poe.
Au début des années 50, c’est en Dordogne, où il retrouve le galeriste éditeur Pierre Vorms, qu’il rompt avec l’abstraction, il travaille à une série de peintures sur toile et sur papier « Les troupeaux » et grave les planches sur bois et sur cuivre pour The Raven d’E.A.Poe.
Son installation à Eygalières en 1951 est due à un bibliophile ami de Pierre Vorms qui après une visite enthousiaste trouve une maison que le peintre va acheter. Il y fait son premier carton de tapisserie pour les ateliers de Suzanne Goubely-Gatien à Aubusson, où seront tissés tous ses cartons, en tout 178, à l’exception de la dizaine de cartons tissés par le Mobilier National, à Paris ou à Beauvais.
C’est à Eygalières, séduit par le paysage aride et par la lumière violente qui vibre sur le noir et le blanc des Alpilles, qu’il dessinera quotidiennement pendant 20 ans.
La galerie La Demeure, située d’abord rue Cambacérès puis place Saint-Sulpice, expose toutes ses tapisseries à partir de 1956 et jusqu’en 1975.
En 1958 c’est la découverte enthousiaste de la Grèce. Après une croisière d’un mois dans les îles de la mer Égée, il loue une maison dans l’île de Spetsai. Il y dessine quotidiennement les cyprès proches de sa maison qui deviendront Les Cyprès de Spetsai, peintures à l’huile et dessins à l’encre sur papier qu’il rapportera en France où il peindra, en 1959, une de ses toile majeures : Meltem.
La décennie soixante est très productive, une exposition personnelle à Antibes au château Grimaldi, futur musée Picasso, sa collaboration à Zurich avec la marchande de tapisserie Colette Ryter, les costumes et les décors de Macbetto de Giuseppe Verdi à la Scala de Milan dans une mise en scène de Jean Vilar.
Le premier Salon de mai a lieu en 1945. Une de ses toiles y sera exposée chaque année jusqu’en 1986. Il peint pour le Salon de 1963 Les Poseuses (200 x 248 cm) d’après Seurat pour lequel il a une grande admiration. Cette œuvre est entrée en 1988 dans les collections du musée Picasso à Antibes. Il participe à six biennales de la tapisserie à Lausanne dont la première a lieu en 1962. Il expose, lors des quatre premières manifestations, plusieurs tapisseries de grand format ayant pour thème des personnages shakespeariens.
Puis c’est la série des portraits de la chanteuse Bessie Smith suivie par celle des Prétextats (son grand-père), son livre Les Prétextats paraîtra chez Gallimard en 1973, des Pèretextats (son père), des Proprotextats (son chien), des Père-éternels et des Suaires.
De 1967 à 1969 il est engagé par la Manufacture de céramique de Sèvres pour décorer des coupes et des vases.
En 1961, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres, en 1966 Chevalier de la Légion d’Honneur, en 1980 Officier des Arts et des Lettres.
Au cours des années 60 Mario Prassinos va réaliser plusieurs commandes de décoration au titre du 1% artistique. C’est aussi durant cette décennie qu’il peint ses premiers Paysages turcs qui sont des toiles de grand format, des forêts dans lesquelles le regard du spectateur se perd. Ces œuvres seront le thème principal de son exposition à la Galerie de France en 1976 et à la Galerie Nationale du Grand Palais en 1980. C’est à ce moment qu’il aborde les huiles sur papier sur le thème des Arbres.
En 1973 et 1974 il devient membre de la commission d’admission des candidatures à l’Académie de France à Rome à la demande du peintre Balthus qui en est le directeur.
Durant ces années il ne cesse de travailler pour le théâtre et le ballet. Il commence la rédaction de son roman autobiographique La colline tatouée qui paraîtra aux éditions Grasset en 1983.
Il décide de faire donation d’une partie de son œuvre à l’état français. Ce seront 108 œuvres datées de 1958 à 1985, peintures, dessins, tapisseries, gravures et sérigraphies, qui formeront cette collection. Elle sera montrée dans le musée de la Donation Mario Prassinos à Saint-Rémy de Provence jusqu’en 2012.
Mario Prassinos meurt à Avignon en octobre 1985. Il est enterré à Eygalières.
Catherine Prassinos © ADAGP Paris, 2024